doudie, le retour !

Oui, justement, comme dit Amandine, c'est cette coquille protectrice que tu fabriques autour de toi qui me gène : je ne trouve pas cette attitude très combattive. Je suis d'accord en grande partie sur ta
position vis à vis de l'esclavage dans sa version moderne (je préfère
parler d'asservissement et d'exploitation, c'est plus consensuel, mais
au fond, c'est pareil). Ce sera de toute façon le grand problème du
XXIème siècle, à mon avis : l'ensemble des ressources naturelles, une
immense partie du monde animal et 90% de l'humanité sont exploités par
une poignée d'individus (et quand je dis 10%, je vois large...). Côté
ressources naturelles, la terre ne peut plus satisfaire la demande ;
côté animal, on est arrivé à la 6ème crise d'extinction des espèces,
qui risque d'être sévère, et côté humain (pas épargné d'ailleurs par
l'extinction des espèces), la colère gronde.

Par contre, je me demande si le fait de voir la vie entière sous cet
angle de l'esclavagisme, ce n'est pas un peu dangereux et biaisé. Cela
veut dire que tu exclus totalement l'idée de symbiose. Est-ce que tu
t'es posée la question de l'arbre, du végétal ? L'arbre qu'on abat pour
servir de charpente à ta maison, tu en penses quoi ? Parce que si tu en
viens à dire que c'est aussi une forme d'asservissement - quoique
l'arbre n'ait pas d'âme - là, je pense que le suicide est ta seule
alternative.

Je ne suis pas végétarienne. Chaque année, un ami agriculteur tue pour ma famille un cochon et un agneau. C'est douloureux parce que ce sont de beaux animaux. Le cochon est tout rose, tout mignon, élevé au grand air, et l'agneau, bien sûr... inutile d'en parler. Ce qui fait qu'on puisse faire tuer ses deux bêtes qui n'ont rien demandé, c'est l'idée du sacrifice. Elles ne sont pas tuées à l'abattoir, car mon ami a trop de respect pour ses bêtes. L'agneau s'endort dans ses bras quand il lui plante un petit couteau dans le coeur. Il ne se débat pas, il n'a pas peur, il ne voit rien venir. Que ferait-il si on ne le tuait pas ? Il brouterait dans un parc, jouerait avec ses frères, tenterait sans doute finalement de s'échapper pour cause de surpopulation, et finirait bêtement par servir de proie aux chiens, aux renards ou à n'importe quel charognard, comme n'importe quel animal dans la nature. Dans les deux cas, la nature a prévu qu'il s'inscrirait dans un cycle de vie : il abîme les jeunes pousses du jardin pour se nourrir, et finit par servir lui-même de nourriture à un autre prédateur (le chien ou moi... je préfère que ce soit moi, car je lui rend un dernier hommage en le cuisinant de mon mieux ;-)

Ainsi, je conçois la vie, et notamment notre relation avec les autres
êtres vivants comme une symbiose qui se doit d'être la plus équilibrée possible. Je pense d'ailleurs que l'homme, pour que cet équilibre existe, ne doit pas se comporter en monarque en haut d'une pyramide.
J'aimerais arriver au bout de ma vie et me dire : "Maintenant que tu
vas mourir, quelle peine t'es-tu donnée pour les autres êtres vivants,
les plantes, les animaux et les humains ?". Si je réalise que je n'ai
rien fait pour eux, alors je crois que je mourrai très en colère contre
moi. S'enfermer dans sa coquille protectrice te permet-il vraiment de
te donner parfois un peu de peine pour les autres êtres vivants, ceux
que tu exploites malgré toi, cette jeune fille de 12 ans qui a cousu
ton jean, cet arbre qu'on a abattu pour faire ta table, ce poulet qu'on
a plumé pour ton édredon ?